HOCKEY  COUPE SPENGLER

« C’est une expérience magique »

Guy Boucher venait de mettre ses enfants au lit, après deux jours de ski dans les Alpes, lorsqu’il nous a rappelé.

L'entraîneur québécois était encore tout feu tout flamme après son expérience du week-end.

Dans l’ombre de la déconfiture canadienne au Championnat mondial junior en Finlande, Guy Boucher a vécu un moment de gloire avec le Canada à la Coupe Spengler, en Suisse, la semaine dernière.

En finale, le Canada a battu le HC Lugano 4-3. En demi-finale, l’équipe de Guy Boucher a surmonté un déficit de 4-1 pour vaincre les favoris locaux, le HC Davos, 6-5.

Le Canada remportait cette Coupe pour la première fois depuis 2012. Cette année-là, le pays avait pu profiter de la présence des lockoutés de la LNH Matt Duchene, Jason Spezza, Patrice Bergeron, John Tavares, Tyler Seguin, Jason Demers, Devan Dubnyk et Jonathan Bernier.

C’était aussi la première fois depuis 2008 que le Canada ne perdait aucun match du tournoi.

« Et je n’ai pas eu à toucher à mes trios ou mes paires de défenseurs une seule fois », lance Boucher en riant.

Pour un entraîneur à la recherche d’un emploi dans la LNH, cet exploit ne peut nuire. Déjà, avant le tournoi, le président de Hockey Canada, Tom Renney, ne tarissait pas d’éloges à l’endroit de Boucher.

« C’est un grand communicateur, a-t-il confié quelques semaines avant la Spengler. Il s’exprime bien. Il est l’un des plus doués sur le plan tactique. Les ajustements en cours de match sont très importants et il excelle dans ce domaine. »

« Il a cette capacité de donner confiance à ses hommes par ses décisions derrière le banc. C’est tout un entraîneur. À mes yeux, il se trouvera un poste de nouveau dans la LNH très bientôt. »

— Tom Renney, président de Hockey Canada, à propos de Guy Boucher

La Presse a appris à Boucher les compliments de Renney. « Il a dit ça avant qu’on gagne le tournoi en plus ? Ça fait plaisir à entendre, d’autant plus que ça vient du grand boss de Hockey Canada… »

UNE OCCASION DE REBONDIR

La Coupe Spengler a permis à de nombreux hommes de hockey de rebondir. Pat Quinn et Craig MacTavish ont déjà vécu l’expérience comme entraîneur en chef, tandis que l’actuel DG des Flames de Calgary, Brad Treliving, et Steve Tambellini, ancien DG des Oilers d’Edmonton, ont servi de directeurs généraux.

Cette année, Boucher a bâti le club avec l’ancien DG des Capitals de Washington George McPhee.

« Chaque fois que tu gagnes quelque chose avec Hockey Canada, c’est un plus, dit Boucher. Ça te permet aussi d’élargir ton champ de contacts. Et chaque expérience est unique. J’en étais à ma huitième mission avec Hockey Canada, et la Coupe Spengler est la plus complexe. Tu dois mettre un club en place en quelques jours, alors que tu as un mois pour le Championnat mondial junior.

« Tu diriges des joueurs que tu n’as jamais dirigés, à une ou deux exceptions près, tu dois gérer un ramassis de joueurs pour affronter des équipes qui jouent ensemble depuis le début de l’année. On a eu un entraînement complet seulement avant le premier match. »

Parce qu’on y trouve généralement des vétérans en fin de carrière tels, cette année, Marc-André Bergeron, Matthew Lombardi, Derek Roy et Manny Malhotra, ou des choix de première ronde décevants comme Keaton Ellerby et James Sheppard, la Coupe Spengler ne suscite pas les passions au Québec.

Hockey Canada y investit pourtant beaucoup d’efforts chaque année. La plupart des joueurs canadiens étaient dans la LNH il y a quelques années à peine.

« Il faut le vivre pour le croire, explique Guy Boucher au bout du fil. Le tournoi existe depuis 94 ans, c’est le plus vieux championnat de hockey au monde après la Coupe Stanley. C’est au cœur de l’Europe, c’est un tournoi qui permet au Canada de se faire valoir sur la scène européenne. Tu as des équipes de la KHL, de l’Allemagne, de la Suisse, qui jouent ensemble toute l’année et qui ont le droit d’ajouter quatre ou cinq étrangers de plus. Le calibre est surprenant. C’est beaucoup plus fort que la Ligue américaine. »

« Je ne sais pas ce que ça donnait à TSN, poursuit l’ancien entraîneur en chef du Lightning, mais les gens sur place ont été impressionnés par la vitesse du jeu. Même le personnel de Hockey Canada n’en revenait pas. C’étaient tous des clubs offensifs et très rapides. Davos, ça ressemble un peu aux Oilers des années 80. On avait quand même des gars de talent à notre disposition cette année. Cory Conacher, Derek Roy, Matthew Lombardi, Matt D’Agostini, ce sont des gars qui ont joué sur des deuxième ou troisième trios dans la Ligue nationale. Roy, même, était le premier centre à Buffalo. »

COMME DANS LES FILMS

Au-delà du hockey, Boucher a savouré chaque minute du tournoi. « C’est une expérience magique. Davos est un endroit de rêve. Hockey Canada a fait un job phénoménal, surtout sur le plan de l’accommodement familial. Tu es dans un petit village, il y a de vieux clochers, les pentes de ski en arrière-plan, c’est comme dans les films. Le tournoi revêt autant d’importance pour les Suisses que le Championnat mondial junior pour le Canada. »

« À Noël, tout le monde ici regarde la Coupe Spengler, pas le Championnat junior ! Il y a des gens de partout, ça fête et ça chante toute la journée. Je n’ai rien vécu de pareil dans ma carrière. »

— Guy Boucher

Le tournoi étant terminé, et sans emploi depuis la fin de son aventure avec le HC Berne, Guy Boucher demeurera en Suisse pour l’instant. « On reste là-bas pour l’école des enfants. Je ne veux pas m’installer à Montréal, recevoir un appel pour un poste et changer les enfants d’école trois fois dans la même année. Je serai néanmoins disponible pour un déménagement au besoin. »

Le Québécois est passé à un poil, l’été dernier, d’obtenir le poste d’entraîneur en chef des Maple Leafs de Toronto et des Devils du New Jersey. Au bout du compte, Mike Babcock et John Hynes l’ont coiffé au dernier instant.

Depuis, les Blue Jackets de Columbus et les Penguins de Pittsburgh ont changé d’entraîneur, mais le téléphone de Boucher est resté muet.

« Ça n’est pas une grande année pour l’embauche de nouveaux entraîneurs, j’en suis conscient. Tous les clubs de bas de classement ont embauché de nouveaux entraîneurs en leur offrant des contrats à long terme. On va leur donner le temps de se faire valoir. Au cours d’une année normale, cinq ou six gars perdent leur job au cours de l’hiver, et cinq autres à la fin de la saison. »

L'ATTENTE

Guy Boucher regardera beaucoup de hockey de la LNH au cours des prochains mois. « Je dois me tenir à jour. Je vais regarder des tonnes de matchs. Avant Noël, j’en regardais deux ou trois par jour, en différé, évidemment, parce que les matchs sont disputés en pleine nuit en Suisse. Je les regarde en accéléré. Ça me permet d’en voir beaucoup. 

« Je surveille certaines équipes plus que d’autres en cas de changement derrière le banc, mais je fais le tour. Je regarde aussi les meilleures équipes pour comparer et étudier les nouvelles tendances. »

L’attente, toujours l’attente. « S’il n’y a pas de job disponible, il y aura des décisions à prendre par rapport à ce que je veux faire l’an prochain, mais on reste positif. C’est un milieu où les bons entraîneurs sont nombreux, certains dans la Ligue américaine sont déjà connectés à leur équipe. Le plus important est de rester informé. Ça va vite parfois. Tu peux recevoir un appel et diriger l’équipe deux jours plus tard. Mais peu importe le dénouement, on rentre en Amérique du Nord pour de bon cet été. »

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